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Mise en place, modification et adjonction au règlement intérieur : conditions

Quel régime appliquer à un règlement intérieur modifié sur injonction de l’inspecteur du travail ?

Un règlement de sécurité rappelant la réglementation en vigueur constitue-t-il ou non une adjonction au règlement intérieur soumis au même régime ?

Dans un arrêt du 23 juin 2021, la Haute Juridiction y apporte expressément des réponses.

1- Un petit rappel s’impose…

L’article L 1321-4 du Code du travail soumet la mise en œuvre d’un règlement intérieur à certaines formalités.

Ce document ne peut être introduit dans l’entreprise qu’après avoir été soumis à l’avis du comité social et économique ; il doit indiquer la date de son entrée en vigueur et faire l’objet de mesures de publicité : dépôt au greffe du conseil de prud’hommes et diffusion auprès du personnel (C. trav. art. R 1321-1 et C. trav. R 1321-2) ; la date de son entrée en vigueur doit être postérieure d’un mois à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

Ce texte précise que ces formalités s’appliquent également en cas de modification ou de retrait de clause.

L’enjeu quant au respect de ces règles est de taille puisque qu’un règlement intérieur introduit ou modifié sans qu’il ait été procédé aux consultations ou aux formalités de publicité légalement imposées est privé d’effet à l’égard des
salariés (notamment Cass. soc., 11 février 2015, n°13-16.457).

En pareil cas, il ne peut pas être reproché à un salarié un manquement à des obligations édictées par le règlement et les sanctions prévues par celui-ci ne peuvent pas être prononcées.

Mais qu’en est-il lorsque la modification du règlement intérieur est la conséquence d’une injonction de l’inspecteur du travail ?

Ou lorsqu’un règlement de sécurité se borne à rappeler la règlementation en vigueur ?

La Cour de cassation vient y répondre dans son arrêt du 23 juin 2021.

2- Retour sur les faits

En l’espèce, un technicien de maintenance avait fait, entre 2014 et 2016, l’objet de 3 sanctions disciplinaires conformément à un règlement intérieur de l’entreprise entré en vigueur le 5 septembre 1983, et modifié en 1985, pour n’avoir pas respecté les règles de sécurité figurant dans un manuel de sécurité et une fiche de consigne.

Le salarié demandait l’annulation de ces sanctions disciplinaires.

La cour d’appel lui a donné raison, jugeant notamment que le règlement intérieur était inopposable au salarié pour différents motifs.

3- Quel est le régime de la modification du règlement sur injonction de l’inspecteur du travail ?

 La modification n’a pas à être soumise à consultation du CSE

La chambre sociale de la Cour de cassation casse toutefois cette décision.

Elle considère en effet que la cour d’appel a violé le Code du travail dans la mesure où les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial, qui avait été, à l’époque, soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation.

Autrement dit, une modification sur injonction de l’inspecteur du travail ne constitue pas une modification au sens de l’article L 1321-4 du Code du travail justifiant la consultation du CSE.

 L’absence de modification de la date d’entrée en vigueur du règlement est sans incidence

La cour d’appel reprochait à l’employeur de ne pas avoir modifié formellement cette date à la suite de la modification intervenue en 1985, de sorte que celle-ci restait fixée au 5 septembre 1983.

Sur ce point, la Haute Juridiction censure la position des juges d’appel après avoir rappelé les dispositions légales et règlementaires en la matière (C. trav. art. L 1321-4 et C. trav. R 1321-3).

Elle constate que l’employeur ayant bien effectué les formalités de publicité et de dépôt requises, le règlement intérieur était entré en vigueur après la dernière date d’accomplissement de ces formalités.

4- Quel est le régime juridique d’un document se bornant à reprendre la réglementation ?

La Cour de cassation était également appelée à se prononcer sur le sort d’un règlement de sécurité et sur le régime juridique qui lui était applicable.

En effet, la Cour d’appel reprochait à l’employeur de s’être appuyé sur des règlements de sécurité – un manuel de sécurité agence et une fiche consignes de sécurité – pour sanctionner le salarié alors que ces documents constituaient, selon elle, des adjonctions au règlement intérieur, devant être soumis à la consultation des représentants du personnel, en application de l’article L 1321-5 du Code du travail, ce qui n’avait pas été le cas.

Néanmoins, pour la Cour de cassation, ce raisonnement était insuffisant. Elle rappelle que :

  • Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe, notamment, les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement ;
  • Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières couvertes par un règlement intérieur sont, lorsqu’il existe un tel règlement, considérées comme des
    adjonctions à celui-ci, soumises à ce titre au même régime ;
  • Le document interne par lequel l’employeur se borne à rappeler les dispositions législatives et réglementaires applicables dans l’entreprise en matière de sécurité ne crée pas de nouvelles obligations générales et permanentes s’imposant aux salariés et ne constitue donc pas une adjonction au règlement intérieur, de sorte que l’employeur n’est pas tenu aux formalités de consultation et de publicité rappelées plus haut.

 

Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-15.73